Coline Ballet-Baz : « Les montagnes ne doivent pas devenir un cimetière pour les migrants »

ski


La skieuse française explique à The Rider Post toute la particularité d’avoir tourné un film sur les routes de l’exil dans les Alpes françaises du sud. Une production qui va bien au-delà d’un simple film de ski. Le documentaire « Passage » sera dévoilé en intégralité à l’automne prochain.

Présenté à l’occasion de l’Arc’teryx Winter Film Festival en fin d’année dernière, la vidéo d’introduction du film « Passage » (que vous pouvez voir ci-dessous) a le mérite d’ouvrir les consciences sur une réalité que l’on a trop souvent tendance à oublier : certains spots empruntés par les riders sont également des lieux de passage de flux migratoires comme c’est le cas du côté de Briançon, point d’arrivée pour les réfugiés en quête d’asile en France. C’est là que Coline Ballet-Baz, accompagnée de la guide de montagne Aurélia Lanoë et du snowboardeur Victor Daviet, a participé au tournage de cette production réalisée par sa sœur Charlotte Ballet-Baz. Elle raconte les raisons qui l’ont poussée à s’engager dans ce projet, qui permet de mieux mettre en lumière la réalité migratoire à la frontière franco-italienne.

Une thématique inattendue

« C’est un projet qui s’est développé en partant de ma réalité de vie qui pendant deux ou trois ans a combiné l’hiver le ski en tant que rideuse pro et l’été le bénévolat dans cette région du Briançonnais (ndlr : Coline est Présidente de l’association Riders for Refugees et également très active au sein des associations « Tous Migrants » et « Le Refuge de Briançon« ). On parle là du même territoire géographique et pour moi le lien était évident. J’avais envie de faire un projet qui mette la lumière sur ce qui se passe aux frontières et qui est moins médiatisé que l’aspect montagne du Briançonnais. Je voulais montrer que les montagnes qu’on aime, on ne veut pas qu’elles deviennent un endroit de peur, voire un cimetière pour les personnes qui essayent de les traverser. »

© David Malacrida

Son travail en tant que bénévole

« Avec l’association « le Refuge de Briançon », on est capable d’accueillir une centaine de personnes pour quelques jours. Ce sont des gens qui viennent de passer la frontière. On leur offre quelques conseils juridiques pour la suite de leur parcours, un peu de nourriture et un logement pour cette courte période de transition. Avec l’autre association « Tous Migrants », on fait des maraudes, c’est-à-dire qu’on va en montagne tous les soirs à la rencontre de ces personnes qui traversent justement les massifs, pour éviter qu’elles se perdent, qu’elles puissent souffrir de gelures. On essaye d’anticiper les problèmes, les potentiels accidents qui peuvent avoir lieu. Il faut bien prendre conscience que sur certains cols la nuit comme celui de Montgenèvre, il y a soit des exilés, soit des bénévoles, soit la police. C’est une réalité qui est là, chez nous. »

© David Malacrida

Un film entre sœurs

« C’est le premier projet sur lequel on bosse ensemble avec ma sœur Charlotte qui est derrière la caméra. À la base, elle ne travaille pas sur des films autour du sport, elle fait plutôt des documentaires de création. Et comme je partais dans l’idée de faire un vrai documentaire plutôt qu’un film de ski, il fallait aussi que je bosse avec des personnes qui sachent faire ce type de documentaire, ce qui n’est pas forcément évident dans le milieu du ski où on bosse plus avec des personnes qui sont très bonnes techniquement, qui savent faire des images incroyables, qui savent raconter des histoires, mais dont c’est peut-être moins le métier premier de réaliser des documentaires plus sociétaux. »

© David Malacrida

Des parallèles entre le milieu de la montagne et la crise migratoire

« Dans le documentaire, on veut aussi montrer qu’il y a des similitudes entre ces deux mondes qui peuvent sembler pourtant très éloignés. En montagne, la solidarité est nécessaire sur une cordée d’alpinistes. Tu ne pars pas seul là-haut. S’il y a une avalanche, tu dois pouvoir compter sur les autres. C’est aussi cette notion d’entraide qui est à la base du mouvement solidaire dans le Briançonnais avec Le Refuge Solidaire, les maraudes… L’autre symbole, c’est de relier les passages migratoires à ski. On va d’ailleurs emmener avec nous des personnages du documentaire, dont deux migrants et deux personnes qui sont très investies dans le mouvement solidaire. »

© David Malacrida

Aider l’autre

« Même sans être forcément dans les montagnes, on peut tous à notre niveau aider d’une façon ou d’une autre, ces gens qui traversent les frontières pour mieux vivre. Comme pour toutes les associations, l’aspect financier est évidemment primordial. On dépend beaucoup des fonds propres, donc nous soutenir en donnant de l’argent est toujours le bienvenu. Et puis ensuite comme bénévole, il faut savoir que les actions que mènent ces associations ne sont pas réservées aux locaux. Il y a d’ailleurs des personnes qui viennent de toute la France faire un peu du relais aux bénévoles locaux, car c’est très prenant avec des arrivées presque chaque nuit. Enfin, il est aussi possible de signer et de relayer les pétitions que ces associations lancent sur le sujet de la crise migratoire. »

© David Malacrida

Découvrez le reportage de l’émission Riding Zone (produite par Puzzle Media) sur les dangers des avalanches et comment les prévenir :