The Rider Post | 23 octobre 2015 Xavier de Le Rue nous parle de « Degrees North », son nouveau film ! Snow SNOWBOARD A 36 ans, Xavier de Le Rue est considéré comme une légende du snowboard. Triple champion du monde du Freeride World Tour, quadruple vainqueur du mythique Xtreme de Verbier et double champion du monde de boardercross, voilà qui pose un rider ! L’athlète The North Face était récemment de passage à Paris pour présenter « Degrees North ». Un film d’expédition qui a nécessité deux ans de tournage, pour une première mondiale. Xavier de Le Rue, Ralph Backstrom et Sam Anthamatten ont ainsi ridé l’île de Svalbard (située entre le Groenland et la Norvège) et l’Alaska… grâce à des paramoteurs. Xavier de Le Rue a accordé une interview d’une demi-heure à The Rider Post, et on en a bien profité ! Xavier, que représente le freeride à tes yeux ? Le freeride, c’est le côté nature du snowboard, on se retrouve sur des pistes complètement vierges. Depuis mon enfance, j’ai toujours été attiré par la beauté de la montagne en plein hiver, et par le fait de descendre ses faces en ski ou snow. Cela m’a toujours fait rêver… Cet environnement me permet de m’exprimer pleinement, de me dépasser toujours plus et de continuer à m’émerveiller. Je suis freerider professionnel depuis la saison 2001-2002, presque une quinzaine d’années donc. A mes yeux, cela devient presque incompréhensible que les gens se cantonnent aux stations de ski, et qu’ils n’aient pas envie de découvrir ce qu’il y a autour… Pourquoi t’es-tu lancé dans ce projet « Degrees North » ? J’avais vu quelques films sur l’île de Svalbard, et il me semblait qu’il restait des choses à accomplir là-bas. Dans le cadre de ce film réalisé par Timeline Missions, nous avons mis en place de nouvelles techniques comme le paramoteur, afin d’accéder à des zones inexplorées… Et c’est ce que nous avons réussi à faire ! Svalbard est relativement proche de l’Europe, cela nous permettait d’aller tester le paramoteur dans des conditions difficiles. Avant de mettre cela en application en Alaska, et d’accéder à cette Mecque du freeride d’une façon complètement différente. (Crédit photo Tero repo) Comment as-tu repéré ces faces vierges ? Cela s’est fait par le bouche-à-oreille dans le milieu, en discutant avec des guides et des freeriders qui connaissaient ces zones, en regardant des films ou en naviguant sur Google Earth. Avec Google Earth, tu parviens à décrypter super bien certains spots ! Au final, en recoupant toutes ces informations, tu choisis une destination plus précise… Tu as dû faire face à des conditions extrêmes au Svalbard et en Alaska… Effectivement, la météo a constitué l’élément le plus difficile du trip ! A trois jours de la fin du tournage, nous ne savions même pas si nous allions avoir de belles images… Nous avons passé des jours et des jours et des jours bloqués au camp à cause d’une mauvaise météo, sans voir le bout du tunnel. Nous nous demandions si nous pourrions faire ce film ! C’était dur, mais en même temps, nous aurions pu nous contenter d’un tournage en Alaska en hélico, comme tout le monde. Là, nous avons opté pour quelque chose de vraiment nouveau, le paramoteur. Cela faisait hyper peur mais ça valait tellement le coup ! Pourrais-tu nous décrire une journée type sur l’île de Svalbard ? Avec Sam, nous étions confrontés à des températures de -25 à -35° sachant que là-bas, il y a toujours de la lumière. C’est un peu un lever de soleil permanent. Du coup, nous n’avions pas d’horaires : certains jours, nous ridions à 2h du matin, parfois à 14h… Toutes les faces sont dans la lumière à un moment de la journée, ce qui est assez rare, nous descendions donc la face qui était éclairée. Nous n’avions pas vraiment de rythme, mais la mise en action était toujours assez lente. Si tu veux de l’eau chaude, tu vas chercher des blocs de neige… Toutes les pièces des paramoteurs pétaient à cause du froid, comme les câbles des caméras. C’était vraiment dur psychologiquement. On pensait être habitués à de telles conditions, mais je crois que l’on a tous été surpris… Pour aller aux toilettes, il faut se concentrer (rire) ! On a vraiment la sensation d’être loin de tout, il faut une période d’adaptation mais cela fait ensuite du bien d’être déconnecté de la vie quotidienne. (Crédit photo Tero repo) Comment s’est préparé le largage en paramoteur ? Cela s’est fait sur tout le trip puisque nous devions préparer les machines. En Alaska, à Haines, nous avons affronté 11 jours de mauvais temps. Ces conditions météo nous ont permises de peaufiner vraiment l’opération avec le pilote. Cela a été une bonne chose car sur le terrain, nous savions exactement quoi faire ! Ralph nous a rejoint en Alaska, il n’avait jamais fait de parapente ni de paramoteur et nous avons donc pu le former. A un moment donné, nous avons suspendu les machines et nous avons testé le largage en conditions réelles… Il y a plein de choses à gérer à bord du paramoteur, il faut bien repérer la zone et sauter d’une manière vraiment douce. Tu as deux ou trois secondes pour jumper, car ensuite il n’y a plus que le vide. Il ne faut pas se rater ! Au premier largage réussi, nous nous sommes tous pris dans les bras, nous avons crié de joie… C’était incroyable. A tes yeux, le paramoteur est l’avenir du freeride ? Je ne sais pas si c’est l’avenir, mais il y a énormément de choses à développer. L’héliski est quand même hyper limité, les meilleures zones pour cette pratique sont relativement petites… Depuis 15-20 ans, on voit des films tournés en hélico, que veux-tu raconter de plus ? Un saut sera peut-être plus gros que les autres, mais cela manque de piment. En tant qu’athlète, personnellement je retire moins de choses qu’auparavant d’un trip en hélico. C’est toujours un peu la même chose… Quel est ton meilleur souvenir de tournage sur « Degrees North » ? Clairement, le saut en paramoteur ! On y a tellement consacré de l’énergie, c’était tellement stressant de savoir si on allait y arriver ou non… C’est comme dans un film, tu as hyper peur que tout se passe mal et quand tout se déroule bien, c’est un énorme soulagement. Au final, ce saut nous a paru vraiment facile… (Crédit photo Tero repo) Quel bilan fais-tu de ce trip ? Cette expérience fut géniale, l’idée un peu farfelue du paramoteur représentait une aventure en soi, une nouvelle manière d’aborder la montagne. Quand on est freerider, on peut vite tomber dans un schéma où tout le monde fait la même chose, en poussant un peu plus la performance… Mais des innovations comme celle-ci permettent d’ouvrir d’incroyables perspectives. Qu’en est-il de ton statut de compétiteur sur le Freeride World Tour ? J’ai un peu l’impression d’avoir tourné la page, je ne m’y retrouve plus vraiment. Je ne ressens plus aucun intérêt personnel à participer au FWT, j’ai perdu ma hargne de compétiteur. Désormais, je m’exprime beaucoup mieux au travers de mes films. Avant, la compétition était toute ma vie, j’y mettais toute mon âme et c’est quelque part la seule manière de gagner. Il faut se transcender complètement, et depuis la saison dernière je n’arrive plus à retrouver cette sensation. Comment as-tu vécu l’annonce de ton frère Paul-Henri concernant sa retraite ? C’était assez soudain, mais je comprends sa décision. Il a eu une commotion cérébrale, et il y a beaucoup plus de casse aujourd’hui en snowboardcross, par rapport à mon époque. Je n’étais pas mécontent de le voir préserver sa santé, il a 2 enfants et c’est un choix responsable. Il repart maintenant sur d’autres challenges dans la continuité de sa carrière d’athlète, c’est super. Qu’as-tu retiré de ta participation à Point Break 2, comme consultant snowboard ? C’était une grande expérience d’être plongé dans le milieu hollywoodien. J’ai pu faire quelques scènes en cameo, en jouant mon propre rôle. C’était vraiment cool de découvrir un vrai tournage, de cotôyer les acteurs du film et de les conseiller pour leurs scènes snowboard. (Crédit photo Tero Repo) As-tu déjà d’autres projets vidéo ? Tout à fait, je suis l’un des fondateurs de la boîte Hexo+ et je vais faire l’inverse de ce que j’ai fait sur mes 3 films précédents. Je vais partir tout seul, en camping-car, et m’auto-filmer grâce aux drones autonomes et aux GoPro. Le but est de montrer les possibilités qu’offre le drone pour vivre de nouvelles aventures, sans une logistique démente. En tant que rider, cela va changer ma vie ! Je vais proposer une série web à partir de début décembre, puis en faire un film. J’ai testé mon drone au Chili, et les images rendaient vraiment bien… Aujourd’hui, beaucoup de zones deviennent super intéressantes grâce aux drones et cette logistique légère. Le paramoteur m’a encouragé dans l’idée qu’il faut avoir des idées farfelues et avoir le courage de les accomplir, et le drone s’inscrit dans cette continuité. Pour ceux qui auraient loupé le teaser de "Degrees North", le voici… attention les yeux ! Nicolas Arquin