Mat Schaer : « On a pris le train et évité la voiture au maximum »



À l’occasion de la sortie du film « Shelter », The Rider Post a rencontré le snowboardeur Mat Schaer pour évoquer avec lui la cause environnementale, au centre de la dernière production de Picture.

En anglais, « Shelter » évoque le refuge, l’abri. Ce sont dans ces véritables témoins du passage des hommes que les cinq protagonistes du dernier film de la marque Picture ont posé leurs spatules et snowboards pour un retour aux sources dans les vallées reculées des Alpes.

À l’initiative du projet, le snowboardeur suisse Mat Schaer a emmené avec lui Léo Taillefer, Thomas Delfino, Levi Luggen et la légende du snowboard Jérémy Jones, pour un trip de refuge en refuge.

Avec leurs peaux de phoque, ils découvrent les glaciers, les grottes, les rivières et les pentes enneigées du Ruitor, du Mont Noble et de la Vanoise. Au cœur du film, les impacts du changement climatique sur l’arc alpin et les conséquences de ce phénomène sur la manière d’appréhender la montagne par les riders.

The Rider Post a rencontré Mat Schaer à l’occasion de l’avant-première parisienne le 17 octobre dernier au Palais de Tokyo. Le film « Shelter » sera disponible gratuitement sur Youtube le 20 décembre sur la chaîne de « Picture Organic Clothing ».

Mat, quel est le message que vous avez-voulu faire passer dans ce film ?

L’idée, c’est d’essayer de continuer à vivre de notre passion, le ski et le snowboard, en essayant de réduire au maximum notre empreinte carbone. Pour ça, on a décidé de se focaliser sur nos montagnes locales et partir à la découverte de tous ces endroits magnifiques un peu reculés. Ils ont toujours été là, mais on n’en avait pas vraiment conscience.

On a pris le temps d’aller voir ces refuges de montagnes, ces glaciers… On a décidé de changer notre façon de nous déplacer en utilisant les transports publics au maximum pour des raisons écologiques. On a beaucoup pris le train, qui est un mode de transport 20 fois moins émetteur de CO2 que la voiture.

Vous n’avez donc jamais pris la voiture ?

On l’a utilisée le moins possible. C’est difficile de s’en passer si on veut aller à certains endroits. Il y a par exemple des départs de rando qui ne sont pas desservis par les transports publics. Ou à des horaires qui ne nous allaient pas. Quand on le pouvait, on a opté pour le covoiturage entre nous avec les voitures pleines.

Et au niveau logistique, on imagine qu’il y a eu plus de contraintes également ?

C’était beaucoup plus difficile effectivement. On a tourné en février et en mars. L’objectif, c’était d’aller sur les massifs locaux de chacun des quatre riders principaux du film, situés entre la France et la Suisse. En termes de matos, en plus d’avoir nos planches, nos skis et notre matériel de randonnée, il fallait aussi avoir celui pour tourner. Avec les caméras, les trépieds, ça devient vite très lourd. Au début on est allé dans des refuges non gardiennés donc a dû porter toute notre nourriture. On avait sur le dos des sacs de 15-20 kg.

Il fallait aussi gérer l’itinéraire et les lignes que l’on voulait les plus belles pour le film. Le but était quand même d’avoir un bon niveau de ride donc il fallait garder de la force pour être au top sur la descente. C’était un vrai challenge qui n’impliquait pas forcément d’aller faire le sommet le plus difficile, mais de changer notre démarche, notre manière de « consommer » la montagne, tout en continuant à rider comme on sait le faire.

Pourquoi avoir choisi cet angle environnemental pour le film ?

Parce que le changement climatique c’est une réalité que l’on vit également en tant que rider pro. On le ressent parce qu’on voit les glaciers reculer. On voit les hivers moins enneigés et la saison se raccourcir. Si on veut que la génération qui arrive profite autant de la montagne que nous, il faut que l’on ait cette préoccupation environnementale en tête. Que l’on respecte les accords de Paris.

Evidemment, les changements nécessaires sont plus larges. Il va falloir réduire drastiquement les émissions de CO2, faire de gros efforts à tous les niveaux, que ce soit politique, pour les entreprises ou de façon individuelle. Nous, on veut participer à ce mouvement, on veut contribuer à un futur plus durable. Il faut que la somme des petits efforts individuels soit un levier pour faire bouger les choses à une plus large échelle.

Comment le réchauffement climatique se matérialise-t-il pour un rider pro ?

Quand on était sur le tournage du film, on avait notre guide Serge Lambert avec nous. C’est aussi la voix narrative de « Shelter ». Il nous racontait où était le glacier à l’époque quand il avait notre âge. Là, tu vois concrètement le changement. C’est fou comme ça a fondu en si peu de temps. Autre chose, on se prend parfois en haut d’une montagne un petit nuage noir. On sait que ce sont des particules fines liées à la pollution de l’air dans les vallées. Tout ça créé de la colère mais aussi de la peur pour les générations futures.

Qu’a tu-appris après avoir participé à ce film ?

Que les montagnes que l’on pense connaître le mieux, celles qui sont proches de chez soit, sont en fait encore plus belles que ce que l’on imagine. J’ai pris le temps d’aller les explorer plus profondément. Cette beauté, c’est un cadeau que l’on doit préserver parce qu’il est menacé. Les scientifiques estiment que si l’on ne fait pas de gros efforts, les Alpes auront perdu 80% de leurs glaciers d’ici la fin du siècle.

Tu estimes qu’une pratique différente de la montagne est possible dans les années à venir ?

Je l’espère même si cela implique un large mouvement au niveau des différents acteurs de la montagne. Pour moi l’avenir du ski c’est une mobilité propre qui permet aux gens d’aller en station : c’est une station qui marche à 100% d’énergie renouvelable et une architecture qui s’inscrit mieux dans l’environnement. C’est essentiel pour éviter de voir fermer de nombreuses stations de moyenne montagne dans 60 ou 70 ans.

En tant que rider, cet engagement écologique va-t-il au-delà du film ?

Ça fait plus de 4 ou 5 ans que toute mon activité de snowboardeur pro gravite autour de ça. C’est même ce qui m’a donné la motivation de continuer ma carrière. J’ai fait des études d’ingénieur en pensant que j’allais arrêter progressivement le snowboard en tant qu’athlète pro. Mais j’ai finalement décidé de prolonger l’aspect sportif car ça me permet de communiquer là-dessus.